Mardi 23 Août 1870 Nous avons battu l'avoine et l'orge de la grange. Au déjeuner on est venu nous dire que les prussiens étaient arrivés. J'ai attelé mes 3 chevaux et conduit les chariots pleins de fumier à la pointe près de la route sans les décharger, puis j'ai conduit mes chevaux au bois. Nous avons descendu avec Mr Gervaise pour les voir, je te garantis qu'ils ne sont pas timides. Ils viennent chez toi, ils entrent et si la porte est fermée, ils la défonce. En voyant nos chambres, ils m'ont donné 2 officiers, 1 capitaine et un lieutenant. J'ai tué une poule, puis leur ai fait les œufs à la coque puis une salade et du café. J'ai mangé avec eux et bu du bon vin qu'ils avaient pris chez du monde riche. Je te garantis qu'ils ne sont pas gênés. Ils commandent à qui leur plaît. J'avais les 3 chevaux de ces officiers et leurs 3 brosseurs, plus des hommes plein notre grange et l'autre. A Saudrupt, il y a 4 à 5000 hommes + 300 chevaux, coté de la route. Ils ont fait cuire leur souper dans la cour, mais ils ne sont pas entrés chez nous. Pour le souper de mes officiers, je leur ai fait des pomme de terre frites et un morceau de bœuf " piqué ", qu'ils m'avaient apporté. Pour nous coucher, nous avons pris une goutte de kirsch. Ils étaient très contents et notre maison n'a pas souffert comme chez nos voisins par les simples soldats. Les raisins de l'oncle Petitjean ont tous été mangés. Ils n'ont pas touché les nôtres, ni les poires. Ils n'ont pas encore abîmé notre grand jardin, seulement ils ont arrachés toutes les pommes de terre. La mère Malvaux avait le poste, je te garantis qu'elle a eu bien du mal, car elle avait 40 soldats. Elle leur a donné à manger et à boire à tous. Je me suis trouvé heureux d'avoir les chefs. Les soldats n'ont pas voulu venir chez nous, ils avaient peur de moi et croyaient que j'étais un ancien soldat par la mine sévère que je tenais. Je leur ai causé en allemand. Je te garantis que je me trouve heureux de ne pas t'avoir avec moi, car je crois que tu serais morte de peur en les voyant. Ils ressemblent tous à des caramama qui viennent avec des bottes. Ils tapent du talon et traînent les pieds. On les entend de loin quand ils relèvent la garde puis quand ils arrivent près d'un poste ; ils se mettent à crier un si drôle de mot que ça fait peur. Le soir j'ai rencontré Bernard au bois. J'ai été pris par une patrouille de deux Prussiens dans notre champ où ton père (Papa Polyte) a tombé du cerisier. De là, nous ont conduit près de notre bois du " contentieux ". J'avais peur qu'ils n'aient vu Bernard entrer dedans le bois. Je suis revenu de poste en poste avec 6 hommes en passant par la vallée chopinote puis de la grande pièce du Guérin. De là, je suis revenu au grand poste de notre champ des Montants, toujours conduit par 2 hommes avec la baïonnette croisée sur moi. Là, une quinzaine d'hommes se mettent devant moi, puis me mettent en joue. Je me croyais déjà tué avec ces brigands. Mais on me fait marcher vers l'officier accompagné du sergent qui cause français. Je lui ai dit que je me trouvais dans les bois à la recherche d'un domestique qui venait de travailler et qui n'était pas rentré. L'officier me demande mon nom, où je reste. Je lui montre notre jardin et l'invite à revenir avec moi prendre une goutte de kirsch avec les officiers que j'avais. Il n'est pas venu car il ne pouvait pas quitter son poste. Sitôt qu'ils m'ont lâché, ne craint rien, j'ai mis mes jambes et suis revenu chez nous le plus vite possible. J'ai passé la nuit avec Edouard Gambeau en faisant cuire le déjeuner de mes officiers. La nuit s'est bien passée, seulement chaque ½ heure, ils poussaient leur hurlement pour relever le poste. Bernard est resté au bois avec nos deux poulains sans pouvoir les faire boire.
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