Terminons par ces lignes émues empruntées à M.P.Courty, de l'Opinion Nationale :
C'était un grand et fort garçon, au teint mat, aux cheveux noirs et rejetés en arrière; franc d'ailleurs, et rond au moral comme au physique. Quand, vers les cinq heures, il entrait au café de Madrid, il en avait pour vingt minutes à serrer la main de tous ses amis.
Sans beaucoup le connaître, j'avais eu l'occasion de causer longuement avec lui, il y a quelques mois.
Il s'ouvrait vite et arrivait facilement aux confidences. On devinait à sa conversation qu'il avait le sentiment de ce qui lui manquait sous le rapport littéraire. Son éducation première avait été, paraît-il, assez négligée; mais il avait un vif désir d'y suppléer par le travail et l'étude.
- Quand je pense, me disait-il ce jour là, que je gagne cinq et six cents francs par mois avec mes bouts d'articles, je suis honteux; j'ai trouvé un bailleur de fonds et, ce qui vaut mieux, un bon titre : la Commune. Hélas ! le journal n'est pas né, et le journaliste est mort.
D'après l'hebdomadaire " LE VOLEUR " n° 690 - 21 Janvier 1970 -
ENCORE QUELQUES TRACES :
Dans le Gaulois, on trouve encore une courte biographie de la victime : ( Le Voleur n° 689 du 14 janvier 1870 )
Victor Noir (conservons lui ce nom sous lequel il s'est fait connaître, car il s'appelait Salmon) . Victor Noir avait quatorze ans quand, pris de cet enthousiasme dévorant, et doué de cette volonté de fer, qui était un des côtés saillants de son caractère, il résolut de gagner sa vie et de n'être plus à la charge de ses vieux parents. Que croyez-vous que fit cet enfant déjà énergique et charpenté comme un homme ? Il apprit à faire des fleurs; oui, cette main solide et large, à la poignée franche et brutale que pressaient ses amis, à découpé les pétales des pensées et fait jaillir les fleurs artificielles des tiges de laiton; ce bouillant enfant a fait des marguerites et des myosotis dans un modeste atelier.
Poussé par un irrésistible et mystérieux instinct, parfois, un peu plus tard (il avait dix sept ans), il errait dans le Quartier-Latin, promenant sa ronde gaieté et sa bruyante personne, sympathique à tous et adoré d'un clan de journalistes et de poètes qui l'accueillaient comme un frère, parce qu'il était bon et qu'à défaut d'une instruction solide, il avait cet esprit primesautier et parisien qui a tant de faveur; c'est alors qu'il disait joyeusement, chaque fois qu'il lui arrivait de "contrarier" la grammaire : " Moi aussi, je serai homme de lettres ".
Ce fut dans ce foyer intelligent que ses instincts de journaliste et de polémiste surtout se développèrent. Sa dévorante activité le fit remarquer dans plusieurs journaux d'information qui purent l'utiliser, parfois même l'exploiter. Une fois pris dans cet engrenage, il ne fut plus question de fleurs, et le pauvre Victor Noir se jeta, tête baissée, en enfant terrible, dans ce monde tumultueux.
Les funérailles
de Victor Noir le
12 janvier 1870 à Neuilly
Dessin paru dans l’hebdomadaire
“Le Voleur” du 14 janvier 1870
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