Joseph Bry - C'est quoi cette comédie, répliqua Louis ? - Ne vous inquiétez pas, c'est Honoré de Balzac que je dérange peut-être, dit Joseph. Je le dérange sans doute, car je suis né en 1833, l'année où il a écrit "Eugénie Grandet" le plus célèbre de ses romans. Je suis né le 20 avril, à la Thibaudière, petit village sarthois du canton de Malicorne. Mon père s'appelait François Bry et ma mère Catherine Nourry. Un an avant ma naissance, mes parents avaient perdu un fils à la naissance qui était le jumeau de mon frère Félix. Comme souvent de coutume, il me redonnèrent le prénom de mon aîné mort en bas âge. Je suis le cadet d'une fratrie de six enfants. Mon grand-père François était un homme de tempérament ; à soixante six ans, un an avant ma naissance, il venait de se remarier avec une jeune femme de trente trois ans. Lorsque je suis arrivé au monde, politiquement, la France se trouvait sous la Monarchie de Juillet. J'avais deux mois, lorsque fut votée le 28 juin 1833, la loi Guizot sur l'enseignement primaire. Cette loi prévoyait la création d'une école primaire dans les chefs lieux d'arrondissements et une école normale d'instituteurs dans les chefs lieux des départements. C'était aussi l'année de la création de l'institution de la Société de Saint-Vincent de Paul sous l'impulsion d'Antoine Frédéric Ozanam, historien et littérateur français, membre du parti catholique libéral, dont le but était de visiter et secourir les pauvres à domicile. Non loin de mon village natal, à Malicorne, René Béatrix et Caroline Cador, son épouse, relancèrent le développement de la faïencerie. Les poteries de Malicorne ont toujours conservé une très grande renommée, mais son véritable développement s'est produit au cours de XIXème siècle, bien que son origine soit antérieure. Je ne vais pas entrer ce soir dans de détail de l'histoire de cette poterie, mais je sais que mon descendant a réalisé un historique fort intéressant sur cette activité locale. Je dirais seulement que la rivière joua un grand rôle dans le commerce de la céramique et le transport des marchandises. La majorité des clients étaient localisée le long des cours d'eau. L'état des routes à cette époque était déplorable, voir parfois impraticables avec une charrette vide. Les ouvriers des faïenceries ne bénéficiaient pas de salaires particulièrement élevés. Ainsi, en 1880, l'ouvrier agricole gagnait 2,20 francs par jour, tandis que l'ouvrier des mines en gagnait 3,50 francs et un garçon maçon 5 francs. Le tourneur, qui comptait parmi les ouvriers les plus payés, gagnait pour sa part 3 francs. Dans la mesure où il pouvait se faire aider de sa famille, son salaire pouvait monter entre 4 et 5 francs par jour. Cela cependant, à raison de douze heures de travail, voir même un peu plus, et à condition qu'il s'éclaire à ses propres frais. J'avais dix-huit ans en 1850, lorsqu'une étape importante fut franchie dans l'évolution technique de la céramique, par l'utilisation de moules en plâtre en plusieurs parties, s'emboîtant les unes dans les autres. Je n'avais pas encore quatre ans, le 22 janvier 1837, lorsque ma mère, Catherine Nourry décèda. Elle n'était âgée que de quarante-quatre ans. Mon descendant n'ayant pas encore trouvé de traces de ma jeunesse, je me garderais ici d'en parler. En raison de mon très jeune âge et de celui de mes sœurs Henriette, Célestine et Louise et de celui de mon frère Félix, au moment de la mort de notre mère, certainement que des actes notariés, du fait de notre minorité, ont été rédigés. En les délogeant des archives, il pourra connaître une partie un peu plus intime de notre famille à cette époque. J'avais vingt-huit ans lorsque j'unis ma destinée le 27 novembre 1861, à Parcé-sur- Sarthe, à Marie Modeste Naveau, d'une année ma cadette. Sarthoise aussi, elle était née à Ligron le 18 janvier 1834, et fille de René Naveau, cultivateur, et de Marie Madeleine Arrable. Elle était l'aînée de ses deux sœurs ; Louise née le 6 août 1835 et Henriette, née le 13 avril 1837.
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