La Cour : Ouï le rapport de M.Botton de Castellamonte, conseiller, et les conclusions de M.Joubert, avocat général ;
Attendu que le droit naturel et la loi civile se réunissent pour rendre tous les biens patrimoniaux, et les mettre tous dans cette grande communauté qui compose la société ;
Qu'ainsi, la prohibition d'aliéner est une exception au droit commun, qui, comme toutes les exceptions, ne peut être établie que par une loi très positive ou une disposition de l'homme, autorisée par la loi ;
Attendu que, de ces notions très simples, il résulte que celui-là seul peut conférer à un domaine le privilège de l'inaliénabilité, qui a le droit de donner des lois au pays dans lequel ce domaine est situé ;
Attendu que le pouvoir de donner des lois et celui de les faire exécuter sont deux corrélatifs inséparables ;
Attendu que l'exécution des lois ne peut être légalement assurée que par le dernier ressort de la justice, puisque celui qui n'aurait pas ce dernier ressort serait obligé de déférer à des tribunaux étrangers les infractions aux actes qu'il appellerait des lois, et que ces tribunaux sur lesquels il n'aurait aucune supériorité, ne statueraient que quand et comme ils le jugeraient à propos ; et de là cet axiome si connu, point de souverain sans cour souveraine ;
Attendu qu'il est si constant, particulièrement en France, que le dernier ressort de la justice est le signe caractéristique de la souveraineté ; que, même dans ces temps à peine séparés de nous par un intervalle de quatre siècles, où les hauts barons jouissaient, dans leurs terres, des droits régaliens les plus éminents, comme battre monnaie, imposer des taxes, faire la paix et la guerre, on reconnaissait généralement que la souveraineté du royaume était attachée à la couronne, parce que là était le dernier ressort de la justice ; que l'on a vu s'affaisser l'énorme puissance des grands feudataires ; et que s'il en est, tels que les ducs de Bar, qui se soient maintenus plus longtemps dans l'exercice de ces grandes régales dont l'on vient de parler, cela prouve moins un droit reconnu, qu'un haut degré de faveur, ou des ménagements conseillés par la politique ;
Attendu que cette théorie subordonnait la difficulté qui s'était élevée entre le préfet du département de la Meuse et le sieur Bourlon, à la question de savoir à qui, du roi ou du duc de Lorraine, appartenait le dernier ressort de la justice, et par conséquent la souveraineté du duché de Bar ;
Que cette question, purement de fait, était résolue par un grand nombre de pièces du procès dont la série embrasse le laps de plus de cinq siècles ; Que, dans la plupart de ces actes, dont le premier est sous la date de l'an 1301, il est dit formellement que les ducs de Bar tiennent leur duché sous l'hommage-lige du roi, et que les jugements des tribunaux du Barrois ressortissaient au bailliage de Sens, pour les cas présidiaux, et pour tous les autres cas, au parlement de Paris ; Que le chancelier d'Aguesseau, dont l'autorité est si grave dans les questions de droit public, reprochant aux juges du bailliage de Bar d'avoir méconnu la souveraineté du roi, disait, en parlant de ces mêmes actes, que, si ces officiers les avaient mieux consultés, ils
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