De plus, je dois dire qu'il me fallait toujours apporter une attention permanente à mon travail. La farine était un produit très inflammable et le risque d'incendie était quasi-permanent, surtout l'été en période de chaleur et de grande activité. Une étincelle sur les meules pouvait suffire à déclencher un incendie. Lorsqu'il fallait moudre la nuit, surtout à l'automne, on ne pouvait pas se laisser surprendre par le sommeil. C'est ainsi qu'une clochette bricolée avec le mécanisme, retentissait avant que la trémie n'ait le temps d'épuiser tout son grain sur les meules. Elle alertait le meunier qui aurait pu s'assoupir. L'hiver, il fallait surveiller la rivière et veiller à ce que les crues n'inondent pas la salle des meules en jouant sur le système des vannes. Un autre grand risque était également permanent : l'accident. Celui d'avoir les doigts broyés entre les meules ou celui d'avoir les vêtements coincés dans les engrenages. A ces contraintes s'ajoutait encore la fatigue et le mal de dos contracté en portant de lourds sacs. Voilà, mes amis, ce qu'était mon métier de meunier ! De mon union avec Louise Besnard, sont nés cinq beaux enfants : Un garçon au Moulin de la Ronce à Champrond : Jules, le 1er décembre 1871, qui plus tard deviendra charron à Champagné. Nos autres enfants sont nés au Moulin d'Iverny à Montmirail : Armand, le 29 juin 1874, qui deviendra cocher à Paris. Victorin le 1er novembre 1879, qui deviendra charroyeur, débardeur. Pauline le 13 mars 1882, qui deviendra agricultrice Henri le 13 mai 1887, qui deviendra cultivateur et chauffeur de machines à vapeur. Quant à moi, c'est à Lamnay, au moulin du Mouchet, le 10 avril 1904 que je quittais ce monde. Mon descendant continue d'approfondir ses recherches … Il lui reste encore bien des traces tangibles à retrouver … Qu'il songe qu'avec un tel métier, mon parcours professionnel a été semé d'actes notariés … Les retrouver, lui apprendra d'autres grands pans de ma vie et de mon histoire. Alors que Pierre s'apprêtait à prendre la parole, apparut un jeune homme. Il semblait n'avoir guère plus de vingt ans. C'était un être au visage imberbe, à la taille svelte. Il était habillé d'un costume de page qui paraissait bien lui plaire. Pierre, qui avait souvent aimé dans sa jeunesse, consulter les livres de la bibliothèque du presbytère de Dissé, reconnu celui que l'on avait surnommé à ses débuts "l'enfant terrible du romantisme", tel qu'un dessin de Devéria l'avait immortalisé. - Alfred de Musset ! … Dit-il, d'une voix un peu émue. Il n'eut pas le temps d'en dire plus que déjà l'auteur déclama à son auditoire une strophe tirée de ses belles élégies, en particulier de celle des "Nuits d'octobre" écrite en 1837. L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert. C'est une dure loi, mais une loi supprême, Vieille comme le monde et la fatalité, Qu'il nous faut du malheur, recevoir le baptême … - Qu'est-ce-que cela veut dire ? Questionna Joseph. - C'est peut-être une façon de faire allusion aux épreuves engendrées par la révolution de 1848, dont je vais vous entretenir, rétorqua Pierre.
[./winter_indexpag.html]
[./page_36pag.html]
[./page_38pag.html]
[Web Creator] [LMSOFT]