Pierre Guiard A cette époque, j'avais entre cinq et huit ans et ces événements n'avaient, au demeurant, pas de prise directe et immédiate sur notre famille. Je suis originaire de Maresché, un petit village sarthois niché à une trentaine de kilomètres au nord de la ville du Mans, en direction d'Alençon. Les terres y ont été cultivées depuis bien des siècles et de nombreuses chartres y attestent plus pariculièrement la culture du froment. Dans le cartulaire de Vivoin, en 1259, on relevait qu'en présence du doyen de Beaumont "Hubert le Bigot a reconnu qu'il a lui-même reçu du monastère de Vivoin, et qu'il détient en possession perpétuelle, ainsi que ses héritiers, une terre située sur la paroisse de Maresché, pour dix boisseaux de froment qu'il s'engage à donner chaque année à la Saint-Rémi, et cela à perpétuité." Mon père François Guiard avait épouse, assez jeune, Rose Leprousse. Ma mère me mit au monde dans ce village le 26 janvier 1843. Dernier enfant d'une fratrie de douze enfants, notre famille était assez pauvre car mon père était domestique. J'ai malheureusement perdu ma mère en 1847 alors que je n'avais que quatre ans. Une de mes tantes habitait chez son frère qui était curé de Dissé-sous-le-Lude. C'est elle qui m'éleva. Au fil des ans, au contact de mon oncle, je reçu une bonne éducation. C'est lui qui me dispensa aussi une bienfaisante instruction. Avec lui j'apprenais le latin. Je servais aussi ses messes comme enfant de cœur. Mon oncle était un homme instruit pour l'époque. Il m'apprenais aussi à observer la nature en m'enseignant les propriétés des plantes sauvages. Plus tard, au cours de ma vie, je dispenserais à mes enfants toutes ces connaissances acquises à Dissé. Comme tout homme cultivé, il avait des livres et j'aimais bien les regarder et les lire. Cette époque était très difficile. Mais en raison de mon jeune âge, je ne m'en rendais pas véritablement bien compte. Ce n'est que plus tard que j'ai compris qu'il s'était produit un grand tournant dans notre histoire. La conjoncture allait conduire à la révolution de 1848 et à la fin de la monarchie. Il faut remonter à l'année 1846 pour en découvrir une des causes principales. Cette année là, la France mais aussi les pays d'Europe traversaient une grave crise appeléé frumentaire. En fait une crise dans la distribution du blé. Après un printemps très sec, les moissons furent détruites par la pluie. Les prix flambaient et un grand malaise s'installa dans les campagnes. La hausse était d'autant plus importante que s'y ajoutait une mauvaise récolte de la pomme de terre. Depuis l'année précédente un champignon, le phytophthora, s'attaquait aux plantes qui pourrissaient et ainsi personne ne pouvait se rabattre sur ce produit qui devint rare et onéreux. On chercha alors des responsables à cette crise et le mythe de l'accaparement des grains par les " gros " renaîssait en quelque sorte comme en 1789. Dans toute la France, on constatait la présence de bandes de mendiants qui erraient dans les campagnes et dans les villes on voyait des ménagères attroupées protestant contre le prix du pain. Et pour cause, pour un kilo de pain , il fallait compter entre un tiers et la moitié d'un salaire journalier ! Cependant, la crise agricole se dénoua avant l'été 1847 grâce aux distributions de pain et aux stocks de blé en réserve, mais elle marqua fortement les contemporains qui depuis quinze ans étaient habitués à une situation agricole satisfaisante. Cette augmentation des produits alimentaires amena à différer les achats industriels et provoqua leur mévente. Cette onde ce choc gagna le textile et le bâtiment au cours de l'hiver 1846-1847. Dans le Nord, trente pour cent des ouvriers étaient au chômage au mois de février 1847 et ce taux passa à soixante pour cent dès le mois de mai. L'économie de subsistance resta l'apanage de la majorité des français. Dans ce climat difficile vint s'ajouter la panique monétaire qui se répercuta sur le crédit et la Bourse; ainsi le cours des actions ferroviaires s'effondra, la méfiance s'installa et l'ouvrage vint à manquer. Même si l'hiver 1847-1848 fut moins dramatique que le précédent et que les affaires reprennaient un peu, le chômage resta à un niveau très élevé. Le régime fut mis en accusation.
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