L'huilier : C'est surtout pendant l'hiver qu'on faisait l'huile. L'huilier parcourait les villages pour ramasser les graines. Connu dans tous les environs, il faisait ses tournées régulièrement, reportant chez les uns l'huile de leur récolte, prenant chez les autres les graines à broyer. Son " équipage " était immuable : le cheval robuste avait au collier l'énorme clochette qu'on entendait d'un village à l'autre, il traînait la voiture " à sacs " ; lourde charrette à deux roues garnie de solides ridelles en planches épaisses et fermée derrière par une large échelette mobile autour d'un axe horizontal. Lorsque la charrette était arrêtée, l'huilier manœuvrait cette échelette dont les extrémités se posaient sur le sol ; c'était alors un solide escalier de trois ou quatre marches qui permettait de grimper facilement dans la voiture. L'huilier, un sac plein sur les épaules y montait sans peine comme à son grenier. Dès lors que l'on entendait la clochette, les gens ainsi prévenus allaient au devant de l'huilier et l'avertissaient qu'ils avaient quelque chose pour lui. Tantôt c'était la récolte pour la provision familiale, tantôt c'était un surplus à vendre, tantôt même c'était de la graine de lin et du chènevis que l'huilier achetait à son compte pour en revendre l'huile dans le commerce. Et c'étaient des marchés, des échanges, des arrangements curieux où l'on parlait de graines, d'huile, de farine, de son, de " repasson " et même d'eau-de-vie. Puis on allait voir la récolte ; pour s'y retrouver l'huilier prenait un bout de charbon et sur la " panse " du sac de toile de chanvre, inscrivait le nom du client. Le chargement terminé, il venait rechercher les cruches ou " criques ", une, deux, trois, liées ensemble suivant la quantité de graines remise : toujours on ajoutait une plus petite " criquatte " pour les " réchauds " ou " patouille " ; c'était le nom de l'huile trouble des fonds de cruche qui servait à graisser les souliers. Chaque maison avait son petit récipient exprès, généralement une écuelle en terre où une patte de lièvre en guise de brosse trempait dans une couche de " patouille ". La patte de lièvre était préférée à une patte de lapin parce que le poil ne " s'en allait " jamais. Des expressions locales désignaient ces tournées de l'huilier. Si vous alliez chez lui, un jour qu'il était absent, on vous répondait : " Il est en route ", si vous le rencontriez la veille d'une tournée, il vous disait : " Demain, je vas aux pilaïes " (quantité nécessaire de graines pour faire un tourteau, environ 32 livres) Enfin, les paysans qui attendaient son passage lui demandaient : " Quand est-ce que vous viendrez faire arö ? ou aré ? L'huilier avait une réputation régionale. Complaisant, familier et bon vivant, parfois gai et farceur, il était accueilli très cordialement partout. Malgré cela quelques paysans méfiants lui refusaient leur confiance ; ils avaient des doutes sur le rendement et sur la qualité ; ils supposaient que l'huilier ne leur donnait pas leur compte ou leur donnait une huile qui n'était pas la leur. Ceux-là, toujours très intéressés et peut-être avares, préféraient porter eux-mêmes leur récolte à l'huilerie et assister à la fabrication de leur huile. Ils prenaient rendez-vous avec l'huilier.
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